Selon une étude parue en mars dernier et effectuée par PAN-Europe (Pesticides Action Network – Europe) sur 40 vins présents sur le marché européen, 34 étaient contaminés par des pesticides ou des produits phytosanitaires.
Ces résultats tombent à l’heure où le gouvernement demande aux agriculteurs de diminuer de moitié les consommations de produits phytosanitaires (notamment de pesticides) en 10 ans. Et notamment pour la viticulture française qui, avec moins de 5 % de la Surface Agricole Utile, consomme près de 20 % des produits phytosanitaires (la part des pesticides n’est pas précisée).
Ne nous attardons pas sur la polémique de la grande consommation de pesticides par la viticulture : revenons sur ces résultats, analysons le pourquoi du comment de cet état de fait et regardons les alternatives possibles …
Les vins analysés provenaient principalement de France, d’Autriche, d’Allemagne et d’Italie.
Pas seulement des vins premiers prix : parmi les vins aux concentrations les plus problématiques on trouve un Pessac-Léognan et un Lalande de Pomerol.
Mais cette étude met aussi en évidence le nombre de molécules présentes dans le vin : jusqu’à 10 pour une bouteille d’origine allemande.
En cause, les produits de lutte contre les maladies et ravageurs de la vigne.
Alors comment en est on arrivés là ?
A la fin du XIX° siècle la viticulture de l’Ancien Monde est secouée par l’arrivée de nouvelles maladies dues à l’intensification des échanges entre continents. En clair, le phylloxera, le mildiou et l’oïdium – pour les principaux – étaient « importées » involontairement des Amériques. Si pour le phylloxera un contournement de la maladie a été possible grâce au greffage, pour les autres, une lutte chimique s’est peu à peu développée comme seul moyen de pérenniser la culture de la vigne.
Après la II° Guerre Mondiale l’indépendance alimentaire étant devenue l’objectif de l’agriculture, la production de masse a peu à peu fait son trou…
Et lorsqu’on allie production intensive à la présence de pathogènes, on augmente la pression de ces derniers ce qui nécessite alors de mettre en place des moyens de lutte. Peu à peu, avec l’utilisation de produits très puissants (on en était alors qu’aux débuts de l’industrie chimique), les résistances des pathogènes se sont développées selon le mécanisme de l’évolution.
Aujourd’hui nous sommes faces à des pathogènes sur-résistants et à une diminution des produits utilisables (à cause des résistances développées et des réglementations de plus en plus restrictives).
Et on voit le résultat.
Mais la prise de conscience environnementale aidant, on se pose de plus en plus de questions, à l’instar de cette étude, sur les problèmes que fonde ce mode de fonctionnement.
Quelles sont les alternatives ?
Plusieurs modes de production peuvent être opposées à l’agriculture conventionnelle qui correspond à la production intensive classique. Nous parlerons ici des principes et non pas des labels, qui sont seulement la certification de la bonne application des pratiques.
La production intégrée :
La production intégrée est née il y a une dizaine d’années. Son principe : tout en utilisant tous les moyens à sa disposition, l’agriculteur va privilégier les plus favorables au respect de l’environnement. Comme dans toutes les méthodes alternatives une très bonne connaissance scientifique et technique est nécessaire. Grâce à ce savoir l’agriculteur pourra diminuer les cadences de traitement en appliquant les pesticides au bon moment. De même si une alternative plus respectueuse de l’environnement est possible, l’agriculteur devra la privilégier (par exemple un labour à la place d’un désherbage chimique).
C’est, en gros, de l’agriculture conventionnelle grandement améliorée.
L’agriculture biologique :
Revenue à la mode dans les années 70, son principe est simple : l’agriculteur ne peut pas utiliser de produits issus de synthèse chimique. Sont exclus les herbicides, les insecticides, les fongicides et les engrais de synthèse. Les intrants autorisés sont d’origine animale, végétale ou minérale, soit principalement le soufre et le cuivre pour les produits de traitement.
L’avantage de ce principe est de diminuer les risques dus à la toxicité des molécules utilisées en agriculture conventionnelle. L’inconvénient c’est que parfois cela conduit à des absurdités : par exemple, le seul insecticide autorisé en bio est très puissant et pas du tout sélectif vis-à-vis des insectes favorables aux cultures.
L’agriculture biodynamique :
En plus d’appliquer les principes de l’agriculture biologique, l’agriculteur va se baser sur les cycles lunaires et stellaires pour fixer ses interventions. Par ailleurs les parcelles seront « dynamisées » afin de favoriser en fonction des moments, la chaleur, l’humidité ou la vie microbienne.
Ce mode de production est né dans les années 30 et a été proposé par le très controversé Rudolf Steiner.
Dans tous les cas, et quel que soit le mode de production choisi, il est nécessaire de rappeler que ce qui conditionne la réussite d’une de ces pratiques, au niveau de l’environnement, réside dans l’éthique et la technicité de l’agriculteur. Du bio mal conduit sera beaucoup plus désastreux pour l’environnement qu’une production intégrée très bien menée.
Et les OGM ?
Les OGM, s’ils ne sont pas utilisés par des firmes aux intentions insoupçonnées, pourrait être une partie de la solution. Notamment si on prouve qu’ils n’ont pas d’effets sur la santé des consommateurs.
En effet, la reproduction de la vigne se fait par bouturage et il n’y a donc pas de risque de contamination des semences.
Ainsi on pourrait introduire des gènes de résistance aux pathogènes, présents dans d’autres variétés de vignes et diminuer l’utilisation de pesticides.
La question des résistances devrait se reposer mais l’hypothèse est scientifiquement intéressante.
En tout cas, si l’existence de résidus de pesticides dans le vin n’est pas un fait nouveaux pour le consommateur averti, il faut avouer que cette fois-ci l’effet médiatique (en particulier sur le Web) a été très bien mené avec notamment la mise en avant que les vins bios étaient exempts de résidus.
Espérons en tout cas qu’au lieu de pousser les consommateurs à se désintéresser du vin, cette étude conduira les producteurs à être plus vigilants dans leurs pratiques.
Notons tout de même que bien que les concentrations soient élevées, et supérieures à la limite dans l’eau, aucun des vins n’avait de concentration supérieure aux limites maximales autorisées sur raisin.
En tout cas le sujet mérite d’être creusé, tant au niveau des alternatives qu’au sujet des concentrations en produits ou encore concernant les conséquences sur notre santé. La place est aux chercheurs …
Toute une partie des activités de notre UMR est consacré à la culture de Vitis sous toutes ses formes (cf. l’appartenance de l’equipe de Patrice This et de Laurent Torregrossa à divers reseaux internationaux sur le Vin et son amélioration (via la sélection génétique de certaines caractéristiques à mettre en valeur)). Ce type d’articles est fort important car il touche à un aspect essentiel de notre agriculture, objet de nombreuses critiques. Il précise le contexte. Le sujet (l’utilisation des pesticides) est l’objet de nombreuses prises de position peu scientifiques. C’est toujours fort trivial. C’est comme pour les OGMs. On ne voit que l’aspect négatif et tout ce qui s’en suit. Or, l’essentiel, c’est la qualité en utlisant les méthodes les plus adéquates sans faire intervenir ces pesticides à tout va. L’agriculture raisonnée a de beaux jours devant elle. Encore faut-il la connaitre ?
Le choix du consommateur peut se faire en fonction des méthodes de travail du vigneron. Il faut pour cela avoir l’information.
De nombreuses revues « sérieuses » donnent souvent ces infos, les visites de propriétés en permettent d’autres, un bon caviste guidera le choix vers ces vins.