A l’aube de l’émergence des « appellations crus du Languedoc », nous sommes allés interviewer le président de l’une d’entre elles.
Vincent Goumard, propriétaire et vigneron du Mas Cal Demoura, porte haut et fort les couleurs de son appellation : les Terrasses du Larzac. Durant cet entretien, il nous explique les caractéristiques de cette appellation et sa prétention. Sans nul doute l’un des futurs bijoux du Languedoc, cette appellation voit loin et propose déjà une vision contemporaine des vignobles de la région, tournés vers la qualité et la richesse des vins !
Il se prépare quelque chose de grand dans ces Terrasses du Larzac, on y prévoit même d’atteindre le niveau de qualité et d’homogénéité des vins du Pic Saint Loup, l’illustre voisin … Après tout le Mont Baudile, qui domine cette appellation, culmine déjà plus haut que le Pic Saint Loup ! Faudrait-il y voir un signe ? Un chemin à prendre ? Dans tous les cas les vins dégustés provenant des Terrasses du Larzac sont à la hauteur de leurs ambitions.
Une appellation qui bénéficie de la fraîcheur du Larzac.
Adossées aux premiers contreforts des terrasses du Larzac, les vignes de l’appellation éponyme se répartissent sur une trentaine de communes situées tout autour de ces massifs calcaires (les causses) dominés par le Mont Baudile.
La diversité des multiples terroirs que l’on retrouve implantés sur l’appellation Terrasses du Larzac n’en est pas moins une richesse qui permet d’éviter l’uniformisation des vins de l’appellation.
Les ruffes (terres rouges d’argile concrétionnée) autour du Lac du Salagou, les coteaux de galets roulés de Puechabon, les micro-terrasses au dessus de Lodève qui visent la mer, les parcelles de vignes gagnées sur la garrigue et le calcaire entre Ganges et Aniane, les sols équilibrés de Jonquières, … participent à l’éclosion de subtilités géographiques au sein de cette famille des Terrasses du Larzac.
Aux profils singuliers, ces vins expriment toute la richesse et la générosité des cinq cépages majeurs du Languedoc (Grenache, Syrah, Carignan, Mourvèdre Cinsault) et proposent une interprétation fraîche et subtile d’un eldorado languedocien.
Tout juste sortie de sa création en 2005, cette appellation dresse déjà les prémisses d’une réussite exemplaire qui attire enfin les projecteurs sur un secteur où l’histoire viticole est marquée par des siècles de culture de la vigne.
Cette appellation qui mieux que son président peut la décrire.
Interview Vincent Goumard – Président du Syndicat des Terrasses du Larzac.
Midi-Vin : Présentez-nous l’appellation Terrasses du Larzac.
Vincent Goumard : « Le premier élément est géographique : Les Terrasses du Larzac sont représentées par un V ouvert adossé aux causses du Larzac qui suit la vallée de l’Hérault d’une part et la vallée de la Lergue d’autre part. A l’extrémité Nord Ouest, les Terrasses du Larzac englobent les villages de Montoulieu, Brissac, puis elle descend vers le Causse de la Selle, Puechabon, Aniane, ainsi de suite jusqu’à Gignac et Saint André de Sangonis. Puis l’appellation remonte la vallée de la Lergue en faisant un petit crochet par le lac du Salagou et les villages d’Octon et Mérifons. Elle finit en passant par Saint Jean de la Blaquière direction l’extrémité Nord Est des Terrasses du Larzac où se situent Pégairolles de l’Escalette, Soubès, Laurous, etc.
A l’intérieur de ce V, l’appellation comprend les villages de Saint Privas, Saint Jean de Fos, Montpeyroux, Jonquières, Saint Saturnin, Saint Guiraud, Arboras, etc.
Puis il y a ce climat si particulier : ces villages se situent entre 70 et 400 mètres d’altitude, et permettent une expression différente pour un même cépage. Cette caractéristique participe à la richesse des vins issus des Terrasses du Larzac. Donc, il y a 32 communes qui constituent les Terrasses du Larzac adossées aux Causses du Larzac qui apporte une fraicheur qui différencie ce terroir des autres du Languedoc. C’est d’ailleurs le secteur du Languedoc où les différences de température entre le jour et la nuit sont les plus importantes. Cette caractéristique permet de retrouver dans les vins une acidité synonyme de fraicheur et apporte des révélations aromatiques particulièrement intéressantes ».
Midi-Vin : Quelles sont les ambitions de cette appellation en termes de qualité des vins ?
V. Goumard : « Les vins que nous produisons sont des vins dont l’ambition qualitative est affirmée. Donc plutôt des vins de garde, qui vont être travaillés avec des contraintes de production en termes de taille, de rendement, plus importante que l’appellation standard Languedoc (ex-Coteaux du Languedoc). C’est-à-dire des rendements plus faibles, une taille plus courte, des élevages plus longs, etc,… Ces caractéristiques permettront à nos vins de s’exprimer sur la durée, avec de la profondeur, avec de la complexité, mais toujours avec cette dimension de fraicheur et d’élégance qu’apporte ce terroir ».
Midi-Vin : Où en sont les discussions quant à la reconnaissance de l’appellation Terrasses du Larzac ?
V. Goumard : « Pour l’instant, l’appellation Terrasses du Larzac est associée et indissociable de l’appellation Languedoc (sur les étiquettes). C’est d’ailleurs aussi le cas pour les appellations Pic Saint Loup, La Clape, Picpoul de Pinet, … La « fiche d’identité » du terroir des Terrasses du Larzac n’est pas encore reconnue comme appellation (mais est sur le point de l’être). Cette reconnaissance viendrait saluer la qualité des vins produits par 45 caves particulières et 4 caves coopératives qui participent au travail et à la réussite des Terrasses du Larzac ».
Midi-Vin : Expliquez-nous quelle a été la genèse de l’appellation Terrasses du Larzac ?
V. Goumard : « Le décret définissant les Terrasses du Larzac date de 2005 et rétroactif à la vendange 2004. Donc les premiers vins estampillés Terrasses du Larzac datent de 2004. Même si – en l’occurrence – l’histoire viticole des Terrasses du Larzac est extraordinairement ancienne comme en témoigne les marqueurs d’une viticulture active au moyen-âge autour d’Aniane et de son réseau d’Abbayes. Il existe aussi des traces de l’activité romaine tout près d’ici. Et pour revenir à des choses plus récentes, c’est une des zones qui a contribué au lancement des premières zones VDQS (Vin De Qualité Supérieur) qui ont abouties à la création de l’appellation Coteaux du Languedoc. Et puis, il existe ici de nombreux domaine phares, véritables locomotives du Languedoc qualitatif. Donc toute cette histoire – même si elle a aboutie en 2005 – date réellement des années 1980 pour l’origine de sa démarche qualitative ».
Midi-Vin : Quelles sont les spécificités du nouveau cahier des charges des Terrasses du Larzac ?
V. Goumard : « Une précision, la dénomination Terrasses du Larzac concerne uniquement les vins rouges. On est donc une appellation hiérarchisée par rapport à Languedoc avec des contraintes de production qui sont différentes de Languedoc.
Le rendement maximal est 45 hl/ha contrairement à 50 hl/ha en appellation Languedoc, les tailles doivent être courtes, il existe des contraintes d’assemblage.
On est sur les 5 cépages du Languedoc avec un minimum de 2 cépages qui rentrent dans l’assemblage. On conseille d’en ajouter un troisième car on considère que le terroir doit primer sur le cépage et que plus l’assemblage est complexe et plus le terroir s’exprimera sous diverses facettes. On constate que la quasi-totalité ou du moins l’immense majorité des vins des terrasses du Larzac sont des vins qui assemblent trois, quatre, ou cinq cépages.
Ensuite, il existe des contraintes d’élevage. Les vins ne peuvent pas être mis sur le marché avant Septembre de l’année qui suit la récolte. D’où un cycle d’un an minimum mais aujourd’hui, force est de constater que les vins sont élevés un peu plus longtemps, en moyenne entre 18 et 24 mois. Cependant, la contrainte légale du cahier des charges est de 12 mois minimum.
Le fond de cette démarche sera donné par le travail que chacun réalise pour exprimer son terroir ».
Midi-Vin : Quelles sont vos obligations vis-à-vis de votre poste de président ?
V. Goumard : « Notre syndicat appartient à l’appellation Coteaux du Languedoc. Je suis administrateur au sein des Coteaux du Languedoc et je participe aux différents travaux, études, que l’on peut mener sur l’avenir de ce qui se fait ici, débats. Mon rôle comporte surtout une tâche liée au dialogue. Nous restons dépendants et proche de notre famille des Coteaux du Languedoc ».
Midi-Vin : Quel avenir souhaitez-vous pour l’appellation Terrasses du Larzac ?
V. Goumard :
- Sur le plan administratif :
Je souhaite que le dossier Terrasses du Larzac continue à se développer, et aboutisse à la création d’une appellation propre afin de crédibiliser tout ce qui se fait au sein des Terrasses du Larzac. Cette démarche validera la capacité que l’on a à gérer une appellation entre nous.
Cela commence par la constitution d’un dossier recevable par les instances compétentes. L’ambition est d’arriver à faire valider notre projet ». - Sur le plan opérationnel (qui est indissociable du plan administratif) :
Il consiste à montrer ce qui différencie ce terroir et qui le rend unique. Lorsqu’on déguste les vins, on reconnait la typicité et la qualité qu’exprime ce terroir. Il existe une cohérence qualitative qui ne veut pas dire cohérence de produit. Chaque vigneron doit pouvoir donner son interprétation du terroir.
Cette notion de cohérence qualitative n’existe que si tout le monde tire dans le même sens en sélectionnant les produits susceptibles de prétendre à l’appellation Terrasses du Larzac et à déclasser ceux qui ne le sont pas ». - Continuer notre progression interne :
Cela nécessite une hausse de l’implication et de la dynamique collective.
Le volume de vins produits et vins vendus sont en hausse. Ceci montre que les vignerons proposent de plus en plus de vins au niveau qualitatif des Terrasses du Larzac, et le marché est demandeur de ces vins plus identitaires et à forte expression qualitative ». - « Améliorer la croissance externe :
Beaucoup de domaines situés sur l’appellation mais qui ne produisaient pas en appellation Terrasses du Larzac font la démarche administrative et qualitative pour accéder à cette appellation. Nous avons doublé la production en deux ans. Nous sommes passés de 4 000 – 5 000 hectolitres de production à 9 000 – 10 000 hectolitres, ce qui reste une petite production tout de même. L’importance prise sur le marché augmente aussi. Les domaines qualitatifs du secteur suivent cette démarche.
L’objectif est de maintenir cette dynamique tout en amplifiant notre reconnaissance. Cette démarche doit être comprise par tous !
Chaque domaine apport un message double. Le premier est lié aux caractéristiques propres à chaque domaine puis le deuxième est lié à la promotion de l’appellation, de la famille !
Bref chaque domaine se fait l’avocat de son appellation au même titre qu’il défend ces différences.
Ces volumes doivent croitre en fonction des exigences qualitatives et de la demande du marché. Le but est d’associer aux Terrasses du Larzac une notion de qualité visible pour tous ».
L’appellation Terrasses du Larzac en quelques chiffres :
Près de 300 hectares de vignes produisent environ 9 000 hectolitres de vin en 2009 (ces chiffres sont en constante augmentation depuis la création de cette appellation en 2005 !)
85 caves particulières et 4 caves coopératives participent à ce succès.
Les circulades vigneronnes pour intégrer les Terrasses du Larzac aux démarches oenotouristiques :
Chaque année, un village de l’appellation accueille ces circulades. A cette occasion, le syndicat et les producteurs se mettent en quatre et proposent une initiation aux Terrasses du Larzac au travers de balade dans les vignes alimentées par des dégustations de vins de l’appellation. Cette année ces circulades se déroulent autour du village de Saint Jean de Fos le samedi 3 juillet 2010 (réservation auprès du Syndicat des Coteaux du Languedoc au 04 67 06 04 44).
Si l’envie vous venez de découvrir les excellentes cuvées en Terrasses du Larzac, voici une sélection des meilleurs domaines qui sont en train d’(ou ont déjà) intégrés la famille Terrasses du Larzac :
- Mas Haut Buis
- Mas Jullien
- Mas Cal Demoura
- Mas de la Séranne
- Château de Jonquières
Crédit photos (n° 1 et 3) : site web Epicuvin.