L’Oenologue vu par Marc Dubernet

Voici l’introduction d’un cours d’œnologie, mené par Marc Dubernet, œnologue et responsable du laboratoire Dubernet à Narbonne. De père en fils, la famille Dubernet (le père et le fils Mathieu), sont œnologues conseil et apportent avec leur équipe, leurs services auprès de nombreux domaines et châteaux dans le grand vignoble du Languedoc-Roussillon depuis 30 ans ainsi qu’à des caves coopératives de taille moyenne, mais aussi de grande taille. Ils interviennent sur des produits très divers, depuis de grands vins prestigieux de haute expression, jusqu’à des produits plus simples destinés à des marchés importants. Dans tous les cas, ils ont le souci permanent de la qualité.

Marc Dubernet oenologue conseil

Marc Dubernet oenologue conseil

Cette conférence, si je puis dire, est la parfaite illustration de ce qu’est, à mon sens, le métier d’œnologue et d’œnologue conseil. La vision apportée sur le marché mondial du vin et sur la manière dont un œnologue se doit de délivrer son savoir, est on ne peut plus juste.

Je vous laisse lire et découvrir ces quelques lignes qui résument extrêmement bien ce métier …

Introduction au cours d’œnologie – Marc Dubernet – Faculté de pharmacie de Montpellier UM1

LE RAISIN

Pour commencer il faut écouter le raisin, parce que tous les cépages se comportent de façon différente dans leur maturité mais aussi dans le comportement qu’ils ont à la cuve et bien entendu dans le résultat qu’ils donneront en matière de vin.

Il faut écouter les terroirs qui sont extraordinairement différents dans notre région, il en est de magiques, il en est d’ordinaires ; on ne fait pas de grands vins sur un terroir ordinaire, ça n’existe pas. On n’en fait pas forcément non plus sur un terroir magique, on peut hélas complètement se tromper. C’est là ou vous aurez demain à intervenir ; c’est ce qu’on attendra de vous, parce que vous aurez compris les leviers, vous saurez faire parler le terroir et optimiser la qualité du produit qui peut en être issu.

Vous aurez à comprendre les gestes viticoles qui sont associés à la vigne par le producteur. Vous aurez même à intervenir sur ces gestes, vous aurez à en parler. Vous devrez trouver le meilleur équilibre pour un vignoble de façon à obtenir des raisins les plus adéquats au type de produit que vous voudrez réaliser.

Vous n’oublierez pas l’effet millésime, absolument essentiel : aucun millésime ne se ressemble. En 43 ans maintenant, je n’en ai jamais vu un identique à un autre que je connaissais vraiment. Certes on retrouve des éléments qu’on a déjà pu rencontrer, mais chaque année il y a des surprises, il y a des éléments nouveaux de dimension particulière que l’on n’avait pas vus, qu’il faut prendre en compte pour pouvoir élaborer au mieux les produits qui vous seront confiés.

Enfin l’état sanitaire est essentiel. Les raisins doivent être dans le meilleur état possible à l’exception de nos amis de Sauternes avec la pourriture noble et de quelques autres régions. En principe le raisin dont nous avons besoin n’a pas besoin d’être accompagné de champignons, de levures, de bactéries. Leur développement n’est en général pas favorable pour l’élaboration des vins.

LA TECHNOLOGIE

Vous devez regarder, écouter, analyser et comprendre tous les éléments de la technologie qui est à votre disposition. Ces éléments sont définis aussi par des réglementations. Actuellement nous sommes sous réglementation européenne, notamment sous celle parue en 2008 sous le numéro 479/08. De nombreux œnologues ne l’ont pas lue, pas comprise, ou pas analysée. C’est, selon moi, une erreur car elle contient énormément de bonnes choses, contrairement à ce que certains pensent. Ce règlement permet d’adapter la production aux réalités du marché mondial moderne. Malheureusement en France, on a un peu trop tendance à se croire les meilleurs du monde, que les autres n’ont qu’à prendre exemple sur nous. Je pense qu’aujourd’hui il faut regarder les productions qui se font dans le monde entier, nous avons beaucoup de choses à y apprendre. Ce règlement est fondamental.

Aucune technologie œnologique n’est sans conséquence : elles ont toutes des avantages et des inconvénients. Il n’y en a pas de magique, même si parfois on en découvre une merveilleuse dont on parle beaucoup dans les articles des journaux et dans les réunions professionnelles ; à ce jour je peux vous affirmer qu’il n’existe aucune technologie absolue et que vous devrez toujours bien équilibrer les choses entre les moyens dont vous disposez et les technologies que vous allez utiliser.

LE CONSOMMATEUR

Le consommateur n’est pas à négliger. Il est dommage de penser qu’il n’a qu’à être satisfait puisque nous sommes les meilleurs. C’est trop souvent, le message qui a été passé aux producteurs français. Malheureusement, nous ne sommes plus les meilleurs. Certes nous avons un grand savoir-faire, nous avons de nombreux terroirs remarquables, nous avons des vins immenses, c’est vrai. Mais nous avons encore une marge d’amélioration considérable et imaginer un seul instant qu’on ait pu arriver à la qualité optimale et absolue est une erreur parce que la consommation évolue en permanence. Elle évolue suivant les destinations ; aucun pays ne goûte et ne consomme de la même manière et nous nous devons, nous œnologues qui participons à l’élaboration des vins, de bien comprendre, en fonction de la destination, quels sont les types de produits attendus. Il ne faut certes pas perdre pour autant notre personnalité, notre origine, notre marque d’appellation, mais il est clair que nous devons aussi intégrer les messages qui nous viennent des consommateurs. Leurs goûts, non seulement sont variables suivant les marchés mais en plus sont remarquablement évolutifs et si l’on ne se tient pas au courant, on peut être très vite dépassé.

Un vin remarquable pour les marchés il y a 10 ans, peut être aujourd’hui un vin d’une qualité relativement ordinaire. Pourquoi ? Parce qu’il y a 10 ans on a utilisé une technique nouvelle, on a créé un produit assez nouveau. Devant le succès de ce produit, beaucoup de gens se sont emparés de la technologie et du savoir-faire sans rien modifier depuis, alors qu’aujourd’hui c’est devenu un produit relativement banal. C’est une évolution que l’on rencontre assez souvent. Il n’y a rien de pire dans ce métier que de s’endormir sur ses lauriers.

LE PRODUCTEUR

Il y a le producteur. Vous devez mesurer ses compétences. Vous ne ferez pas le même type de travail avec tous les producteurs en fonction de leur niveau de compétences. Je connais des producteurs qui font un travail remarquable avec des compétences techniques très réduites. Par contre, ils ont le sens du produit, ils ont le sens de la dégustation et savent immédiatement sentir quand quelque chose ne va pas. C’est à ce moment-là que nous intervenons pour confirmer son intuition et l’aider à corriger de telle ou telle manière. Il est complétement inutile d’aller vers des technologies sophistiquées si le producteur a peu de compétences techniques, inutile de lui faire faire des investissements importants qui lui seront inutiles. Parfois, il faut au contraire choisir pour un producteur des solutions simples, fondamentales, qu’il pourra maîtriser parfaitement et obtenir des résultats tout à fait intéressants.

Le goût du consommateur est important, celui du producteur l’est tout autant. Ne faites pas faire aux producteurs des vins qu’ils n’aiment pas. Si vous voulez qu’ils aillent au bout de leur passion, de leur art, il va falloir les accompagner sur des chemins qui sont les leurs, pas forcément les vôtres. C’est quand il fera les choses qu’il aime lui, qu’il deviendra un grand vigneron.

Cette entrée a été publiée dans Rencontre avec le par Romain.

2 thoughts on “L’Oenologue vu par Marc Dubernet

  1. sommelier

    bel article sur le métier d’oenologue qui finalement est bien différent de celui de sommelier, même si dans le même secteur.

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