Saviez-vous que non loin de Lunel à Saint-Sériès dans l’Hérault, un passionné a décidé, un jour, de faire mûrir du raisin et de faire du vin. Armé de courage et de patience, c’est en 1997 que Robert Creus, alors chercheur dans la chimie, fait l’acquisition de 2000 mètres carrés (2 hectares) de vigne de Carignan. « Terre Inconnue », ainsi sera dénommé ce domaine situé à Saint-Geniès des Mourgues perdu entre mer et garrigue. L’aventure pouvait commencer…
Robert Creus, passionné de vins depuis de nombreuses années avait en tête de faire son vin, celui qu’il aime. Sans artifices et sur des terres minutieusement sélectionnées, il allait, au fil des ans, acquérir des parcelles disséminées sur 3 communes : Restinclières, Saint-Christol et Saint Geniès des Mourgues.
14 vendanges plus tard, le domaine a gardé l’esprit d’une « Terre Inconnue », tel un joyau à protéger. Son domaine s’étend aujourd’hui sur 4 hectares seulement. 4 hectares divisés en 14 parcelles …
Des vignes mais pas seulement
Quand on demande à Robert Creus s’il souhaite agrandir son domaine, la réponse ne se fait pas attendre : « 4 hectares, pas plus ». Après réflexion, « ou alors seulement de belles opportunités et de moins d’un hectare ».
4 hectares ce n’est pas commun en Languedoc. La majorité de ses parcelles s’épanouissent sur des sols argilo-calcaires. Carignan, Syrah, Cinsault, Grenache vivent au gré des influences maritimes balayés par un fort vent du Nord. Un autre cépage, très peu connu vient compléter ce quatuor languedocien : la Sérine. Ce cépage est l’ancêtre de la Syrah, originaire des Côtes-Rôties dont Robert Creus a fait l’acquisition à Saint-Christol. Exposé plein Nord sur les hauteurs de la commune, ce cépage entre dans la composition de la cuvée « Sylvie » dégustée et commentée plus loin dans l’article.
Ses vignes ne sont pas désherbées chimiquement et les traitements se font de manière raisonnée. « En 2003, je n’ai effectué aucun traitement sur mes parcelles, je ne suis pas en bio mais je ne traite que lorsque c’est réellement nécessaire ».
Des vins au sommet des Vins de Table
Robert Creus ne fait que des Vins de Table. N’y voyez pas un quelconque côté péjoratif, mais plutôt la patte d’un créateur et d’une personne qui ne veut pas être prise dans les méandres administratives des vins d’IGP ou d’AOC.
La vinification est « minimaliste ». Chaque cépage est vinifié séparément. Les cuvaisons sont longues, 2 à 3 semaines. Elles sont travaillées très légèrement, pas de pigeage ni de remontages longs et répétitifs. Seul le chapeau de marc est mouillé quotidiennement.
Par la suite, les vins nouvellement vinifiés sont assemblés pour créer les différentes cuvées du domaine, soutirés en barriques de 10 à 15 ans d’âge !
Rencontré lors du salon de l’Epicuvin à Fabrègues, Midi-Vin a dégusté ou re-dégusté les vins du domaine. Avec des rendements avoisinant les 20 hectolitres à l’hectare, les vins de Robert Creus sont confidentiels et leur distribution est limitée. Midi-Vin a la chance de pouvoir vous faire partager deux de ses cuvées sur la boutique.
Il avait eu la bonne idée d’apporter des cuvées « prêtes à boire ». Un plaisir divin que nous vous faisons partager.
Los Abuelos 2005 – Vin De Table
100% Grenache
Vin Rouge
La couleur dans le verre est à peine évoluée, le rouge commence timidement à tirer sur un bel orangé.
Le premier nez est d’une complexité détonante. On ne peut pas manquer le Grenache qui délivre toutes ses saveurs. Des notes de tabac, de cigare et de cerise griotte envahissent le verre.
En bouche, je suis surpris par la suavité de ce vin que je qualifierais de nectar pour la sensation de sucrosité qu’il apporte. Le Grenache vient tapisser le palais et les notes de cerise et de chocolat s’entremêlent. La longueur est interminable, l’équilibre est prenant. Ce Grenache n’est pas sans rappeler le divin Grenache du Château Rayas à Chateauneuf du Pape, rien que ça ! Un grand moment de dégustation !
Sylvie 2006 – Vin De Table
50% Syrah – 50% Serrine
Vin Rouge
La couleur est soutenue et ne présente aucune note d’évolution.
Le premier nez est extraordinaire : la violette ! Je n’avais jamais dégusté des vins avec un nez de violette si marqué. C’est un arôme difficile à déceler en temps normal dans un vin rouge, d’une part parce qu’il est rare d’avoir la chance d’en trouver dans une bouteille et d’autre part parce que s’il est présent, c’est en petite quantité. Ici il prédomine ce nez, même après aération. Ce vin de 4 ans d’âge est d’une jeunesse incroyable dans la trame aromatique qu’il dévoile au fur et à mesure de l’aération.
En bouche c’est une gourmandise, la violette envahit la bouche sur un fond de sous-bois, je décèle une note de thé fumé aussi. Nous sommes en Languedoc et pourtant cette cuvée est d’une finesse septentrionale. Là aussi la longueur est interminable, comment résister à l’envie d’avaler ce verre malgré les dégustations qui nous attendent par la suite ? Je cède à la tentation sans remord…
Pour clore cette dégustation, une petite gourmandise nous a été proposée, le vin doux du domaine. Un nez cacaoté, très typique des vins de Banyuls, beaucoup de complexité. Une entrée en bouche très légère, une longueur tout en finesse où l’alcool ne masquait pas les arômes chocolatés de cette cuvée. Des notes mentholées sur la finale nous ont ramenées sur la terre ferme, au salon l’Epicuvin.
Après cette dégustation en Terre Inconnue, Robert Creus nous parle des derniers millésimes. « 2008 est marqué par un millésime de grande classe. Sur l’agrume et la minéralité. La couleur est belle, les vins sont d’une grande finesse avec une structure qui leur permettra de s’exprimer dans le temps. 2009 est similaire à 2008, c’est un très grand millésime pour nous, peut-être un peu moins structuré. 2010 apporte une fraîcheur inouïe, nous avons de très belles acidités qui vont permettre à ces vins une progression tout en finesse dans leurs barriques. »
Il conseille de décanter ses vins lorsque qu’ils sont sur la jeunesse. Ils peuvent être bus sur le fruit dans leurs premières années ou être attendus pour délivrer toute la complexité du terroir et des cépages qui les composent. Après de nombreuses années d’expérience, il affirme que ses vins atteignent leur pleine maturité après 8 ans.
Après la découverte d’une terre qui ne nous est plus tout à fait inconnue, j’aimerais finir sur quelques mots de Robert Creus : « à force de critiquer le vin des autres, il fallait faire le mien ».