Mathieu Torquebiau, œnologue, transfuge du Domaine d’Aupilhac, partage sa passion avec nous lors d’une dégustation. Il a franchi le pas et dirige aujourd’hui les destinées du domaine de L’Hermas.
Domaine de L’Hermas : l’interview
Côté vignes
Le Domaine de L’Hermas est en réalité né en 2003. Mathieu achète une garrigue près de Gignac qu’il défriche pour y planter sa vigne :
Ce fut un travail de titan ! C’est un peu comme la parcelle des Cocalières de Sylvain Fadat, c’est un travail de mise en valeur mais en plus petit.
Ses vignes sont plantées en 2004 sur un versant nord à 250 mètres d’altitude :
Pour les Syrah, je ne voulais pas d’arômes sur-mûris comme on en trouve beaucoup dans la région, il faut garder du fruit, de la fraîcheur. Un versant nord avec de l’altitude est plus adapté pour cette finalité. Les Mourvèdres sont eux plantés sur la partie la plus basse de la parcelle, là où il y a plus d’eau, car le Mourvèdre n’aime pas trop la sécheresse.
A la question pourquoi de la Syrah et du Mourvèdre, la réponse est simple :
J’ai travaillé sur d’autres domaines pendant 10 ans et ce sont les cépages que je préfère. Ensuite, je ne veux pas attendre 80 ans d’avoir de beaux Carignans, même si je suis tenté par ce cépage. Il n’y a pas de demi-mesure. C’est comme un Mourvèdre en plaine, ça ne m’intéresse pas.
Le domaine est composé de 4 hectares de cépages rouges et 2 hectares de cépages blancs. Deux hectares supplémentaires viennent d’être plantés. La méthode culturale suit les principes du bio même si il n’est pas encore certifié.
Après avoir défriché, il a fallu concasser les blocs de pierre qui composaient le sol. Aujourd’hui la parcelle est remplie de ces blocs qui rendent le travail du sol très compliqué :
Le fait de travailler en bio ne me permet pas de désherber chimiquement, je ne peux pas non plus utiliser un outil mécanique à cause des pierres, c’est donc à la pioche que je m’amuse !
Sa première récolte est ramassée en 2009. Il a fallu attendre 5 années avant que les vignes produisent des raisins qui méritaient d’être en bouteille. 5 années à regarder les raisins mûrir et sécher sur les souches. Une vraie aventure : sa première vendange est vinifiée au domaine d’Aupilhac où il officie comme maître de chai. Puis vient l’opportunité de s’installer dans ses propres bâtiments. 2010 sera sa deuxième vendange, la première vinifiée chez lui.
Côté cave
Trois cuvées composent la gamme : un rouge, un blanc et un rosé. 2010 a été le premier millésime pour le blanc composé de Vermentino, Roussanne et Chenin.
Pour le rouge, la vendange est travaillée en cuve inox. Les fermentations démarrent naturellement et l’extraction se fait uniquement par pigeages. L’élevage de 12 mois se fait en demi-muid de 700 litres de plusieurs vins, récupérés chez Sylvain Fadat. Quelques uns sont neufs et en provenance de la tonnellerie Adour, comme au domaine d’Aupilhac.
Le vin n’est ni filtré ni collé pour notre plus grand plaisir.
Le vin blanc est, lui, assemblé avant fermentation. C’est-à-dire que tous les cépages sont pressés ensemble dans le pressoir, les jus sont donc assemblés avant leur fermentation qui se déroule en cuve inox. L’élevage de 6 mois ne reçoit pas de bois, une cuvée réalisée 100% en cuve.
Côté verre
La dégustation a commencé par le vin rouge et non par le vin blanc comme cela se fait habituellement.
Le blanc a une puissance aromatique importante, il sature presque les papilles. Passer ensuite sur le rouge nous fait perdre la finesse qu’il dégage. Si c’était un rouge plein de tanins, oui on le dégusterait en dernier, mais dans mon cas, le rouge est sur la finesse.
Domaine de l’Hermas – Le Rouge
Syrah, Mourvèdre
Vin Rouge
Le vin est ouvert depuis 4 heures lorsqu’on me présente un verre. La robe est chargée, le vin n’est pas filtré et ça se voit.
Le premier nez est marquant : le noyau d’abricot est extrêmement présent sur un fond de lies. A l’aération, le pruneau et les fruits rouges (mûre) font leur apparition. A la fin de l’analyse olfactive, une note épicée sur le poivre noir vient couronner le tout. C’est un nez d’une grande complexité qui évolue au fur et à mesure de la dégustation, digne des très bons vins.
En bouche, l’attaque est suave et on a la sensation de mâcher un abricot bien mûr. C‘est déroutant. Nous sommes en effet sur un rouge dans le registre de la finesse. Les tanins ne ressortent pas, tout est rectiligne, l’acidité et l’alcool se fondent parfaitement. La finale est marquée par un goût de raisin frais. Le Mourvèdre est parfaitement intégré et me fait dire que c’est un vin au potentiel énorme. Buvez-le maintenant ou conservez-le, les deux options sont possibles.
Des brochettes d’agneau accompagnées d’aubergines grillées ou bien une daube sauront faire honneur à ce vin.
Domaine de l’Hermas – Le Blanc
Vermentino 60%, Roussanne 30%, Chenin10%
Vin Blanc
Première cuvée du vin blanc du domaine pour Mathieu Torquebiau qui a récolté seulement 15 hectolitres par hectares cette année. Les 3 cépages arrivent à pleine maturité à des moments différents et pourtant tout est vinifié en même temps, mais Mathieu y a pensé et nourrit cette cuvée de ces différences :
Quand mes Vermentino arrivent à 12,5% Vol de potentiel, mes Roussannes sont déjà à 15% Vol de potentiel et mes Chenin sont encore verts (à peu près 11% Vol). J’arrive donc à créer un équilibre ; je me sers de la sur-maturité de la Roussanne pour apporter du gras dans mon vin et de la sous maturité du Chenin pour la touche vive et acide qui accompagne sur la dégustation.
Le premier nez est floral, marqué par du genêt. A l’aération c’est un peu plus végétal et exotique à la fois : très complexe. Une pointe de buis et de la mangue, une touche d’ananas derrière, un peu comme un Sauvignon surmuri.
L’entrée en bouche est très grasse. On aurait tendance à croire que les vins très gras à l’attaque développent une sensation générale de lourdeur. Ici, comme il me disait, il y a une belle acidité, rare en Languedoc. Du gras en début de bouche qui laisse place à ce côté vif et subtil en milieu de bouche jusqu’à la fin de la dégustation. La longueur bénéficie de ce côté gras pour s’exprimer et nous permet d’avoir le temps de parcourir ce vin. Le tout est sur l’agrume et le côté floral comme ce qu’on ressentait à l’analyse olfactive.
A l’apéritif mais surtout à table sur des coquilles Saint-Jacques ou sur des pélardons. L’eau m’en vient à la bouche.
Merci pour cet article intéressant, j’aimerais en savoir plus sur ce domaine, est-ce qu’ils ont un site web? Je n’ai pas trouvé. Bonne continuation, Louise
Bonjour,
Malheureusement le domaine ne possède pas encore un site internet, nous vous tiendrons informé si il y a du changement de ce côté là