Le réapprovisionnement est un excellent prétexte pour aller rencontrer à nouveau les vignerons avec lesquels Midi-Vin travaille depuis longtemps. L’appellation Corbières est représentée par 3 domaines. Ces 3 domaines nous montre que cette appellation parfois sous-estimée et que les grands vins de Corbières sont une réalité.
La météo ne se prêtait pas trop à la dégustation (un ciel bas de plafond où les reliefs disparaissent dans des nuées de coton et une température oscillant entre 4 et 8°C) mais il faut parfois faire contre fortune bon coeur.
Première étape : le domaine des 2 ânes
La tournée a commencé par le Domaine des 2 ânes, domaine certifié bio depuis 2005 et récemment certifié en biodynamie par Demeter. Installé dans la partie maritime des Corbières, les vignes sont installées dans un écrin surplombant les étangs de Bages. Ce terroir bénéficie de conditions magnifiques : proximité de la mer permettant des entrées maritimes chargées de pluie et d’humidité, un vent sec du nord ouest froid en hiver et chaud en été permettant un assèchement rapide des plants de vignes (le cers est son nom), un terroir profond évitant un stress hydrique trop important. Ces vignes sont dans un environnement préservé où la garrigue enserre ces dernières comme un joyau dans un écrin.
J’ai dégusté en compagnie de Magali Terrier les millésimes commercialisés du domaine des 2 ânes :
- la cuvée Fontanilles millésime 2009 à dominante de Carignan présentant un fruité remarquable et une excellente buvabilité
- la cuvée L’enclos millésime 2008 à dominante de Grenache avec une suavité et un friand tout aussi exemplaire
- la cuvée Cabrioles millésime 2008 (il nous reste quelques bouteilles du millésime 2006) à dominante de Mourvèdre, vin puissant mais subtil qui pourra voyager dans le temps sans surprise. Un grand vin des Corbières assurément.
Tous ces vins, bien que composés des cépages languedociens (Grenache, Carignan) , rhodanien (Syrah) ou provençal (Mourvèdre) à différents pourcentages, ont une trame équilibrée, gourmande et une belle typicité reflétant parfaitement leur terroir d’origine. La gamme est homogène, le boisé (sur les deux cuvées L’Enclos et Cabrioles) très fondu n’apportant aucun excès tannique ou d’arôme toasté qui pourrait les dénaturer, sans aucune lourdeur alcoolique si souvent reproché autrefois aux vins de l’appellation Corbières. Les vins du domaine des 2 ânes ne demandent qu’à accompagner merveilleusement un repas de fête basé sur des viandes rôties (boeuf ou canard), une épaule d’agneau grillée (choix de Magali pour la cuvée L’Enclos).
Deuxième étape : le domaine Gléon-Montanié ou Château Gléon
Le domaine est situé à l’entrée de la vallée du Paradis : un bien joli nom évocateur. Ce site est vraiment remarquable. Nous sommes à peine à quelques kilomètres de Peyriac de Mer et pourtant l’environnement apparaît totalement différent. Nous faisons face au massif des Corbières. Les vignes du domaine sont étagés entre la plaine et les coteaux qui montent jusqu’à 350 – 400 mètres d’altitude. Le domaine Gléon-Montanié est situé au début de la zone géographique des châteaux cathares, sentier cathare (de Port-La-Nouvelle dans l’Aude à Foix dans l’Ariège) qui peut vous amener depuis le bord de mer, par le château de Durban en Corbières jusqu’aux célèbres puig (mot catalan que l’on doit prononcer pioch en français), ces monticules perchés où se trouvent Peyrepertuse et Quéribus, monuments impressionnants de majesté et chargés d’histoire, jusqu’à Foix et son château célèbre pour avoir subi les assauts de Simon de Montfort connu pour être le bourreau des cathares et Gaston Fébus, puissant comte de Foix et figure languedocienne .
La discussion avec Philippe Montanié a été très intéressante à plusieurs poins de vue. En effet, le domaine a changé totalement depuis notre dernier passage. Refonte complète des vins, de leur dénomination, de leur étiquetage. Le domaine a connu un problème dans son réseau de commercialisation et leurs vins se sont retrouvés en grande distribution sans leur accord. Cette mésaventure a poussé la famille Montanié à prendre le problème à bras le corps et à revoir totalement leur communication ainsi que la vinification et l’élevage. Maintenant on ne parlera que des vins du Château Gléon pour les vins en appellation Corbières, les IGP restant en dénomination des vins de la Vallée du Paradis et en mettant en avant le cépage. Ainsi, le blanc dénommé autrefois Les Reflets du Paradis devient La Malvoisie de Gléon. Le changement dans la vinification et l’élevage permettent aux vins du domaine d’élever leur niveau qualitatif en abandonnant le côté austère et rustique de feu Gléon-Montanié. Les conditions de dégustation au caveau (le caveau a été ouvert spécialement pour moi : les visiteurs ne sont pas nombreux ces temps-ci) ne me permettent pas d’en faire un compte-rendu précis. Je ferai un article dédié à cette dégustation avec des vins à température (les rouges étaient plus que frais) et un dégustateur en meilleur état (j’aime pas les pluies froides).
Troisième étape : le domaine de Roque Sestière
Roland Lagarde m’attendait chez lui à la maison, dans le petit village de Luc sur Orbieu près de Lézignan Corbières. Sa maison jouxte le caveau et la cave. Roland m’a fait faire le tour du propriétaire me permettant d’apprécier un outil de travail parfait : pressoir pneumatique, 2 cuves béton avec groupe de froid intégré, cuves inox, tout celà dans un bâtiment qui a conservé son ancienne structure et un toit refait à neuf . Roland m’a annoncé qu’il cherchait à vendre son domaine depuis un petit moment. Si vous êtes intéressé, n’hésitez pas à prendre contact avec lui. Ce domaine est une référence pour ces blancs dans l’appellation. Et le domaine exporte presque 30% de sa production.
J’ai décidé de commercialiser un troisième vin blanc du domaine de Roque Sestière, la cuvée Gouttes d’Or. Cette cuvée, très équilibrée entre la Roussanne et le Grenache blanc, est un délice. Et certainement, un vin qui évoluera de fort belle manière si vous savez vous montrer patient. Roland est quelqu’un d’affable et généreux, qui vous fait partager sa passion et son amour pour ses vignes. Je le remercie pour cet accueil fort sympathique.
Comme toujours, de belles rencontres avec les vignerons dans leurs domaines respectifs sur cette appellation Corbières dont l’image est en train de changer dans le monde du vin sous l’impulsion d’un syndicat les plus dynamiques en Languedoc Roussillon. J’ai été aussi très impressionné par les hectares de vigne arrachées, champs défrichés laissés à l’abandon, présageant d’une évolution du paysage dans cette terre si particulière mais très attachante des Corbières.
PS : la photo du château de Durban en Corbières est l’oeuvre d’Arno Lagrange et utilisé sous licence Creative Commons.