Le temps de la foire aux vins de Montpellier

Pendant que certains travaillent dur dans les vignes et dans les caveaux, la grande distribution est arrivée en ce mois de septembre / octobre avec ces catalogues de foires aux vins.

Quelques informations prises sur le site Viniflhor (ex-ONIVINS) à connaitre avant de lire la suite de cet article : 60% de la consommation des vins par les ménages français se fait par le canal de la grande distribution (hypermarchés / supermarchés), les seules foires aux vins prennent part pour plus de 10% de ces ventes.

En feuilletant ces catalogues, me revient toujours la même sensation désagréable de voir que notre région (le Languedoc Roussillon) est sous représentée dans tous ces catalogues distribués nationalement. Seules les enseignes nationales représentés localement par des indépendants (Intermarché, Leclerc et Système U notamment) privilégient la représentation des vins du Languedoc Roussillon. Mais leur catalogue est géo-localisé (on consomme plus de vins du Languedoc Roussillon dans la région Languedoc Roussillon c’est une évidence) et n’a pas de vocation nationale.

foire aux vins de Montpellier

Une illustration du propos pour le catalogue Carrefour 2008 : 17 pages consacrées uniquement aux vins de Bordeaux. Les 3 pages intitulées Vins Prestigieux ne proposent à la vente que des vins de Bordeaux. Seulement 4 pages pour le Languedoc Roussillon soit une page de moins que les vins de Bourgogne ou de la Vallée du Rhône. Cette sur-représentation des vins de Bordeaux est un choix marketing qui doit correspondre aux goûts des Français.

Alors pourquoi les vins du Languedoc Roussillon sont si peu présents dans les catalogues des foires aux vins ?

Deux raisons plausibles (mais vous pouvez apporter les vôtres et/ou les discuter) :
La première est que les domaines languedociens connus nationalement (par l’intermédiaire des guides et des revues -> le catalogue Carrefour s’est associé à la Revue des Vins de France et pour le Languedoc Roussillon 14 vins sont notés par RVF sur 32 proposés) ne se retrouvent peu ou pas dans ces foires aux vins. En prenant toujours exemple sur le catalogue Carrefour 2008, seul le Prieuré Saint Jean de Bébian est inscrit. Par exemple, Gérard Bru du domaine Puech Haut commercialise sa cuvée « Complices de Puech Haut » dans le catalogue Carrefour et non ses cuvées majeures. On y retrouve beaucoup de vins des maisons de négoce ou des coopératives (Les Crus Faugères, la cave coopérative de Faugères, qui commercialise Mas Olivier ou Parfum des Schistes noté au guide Hachette cette année) de la région : la maison Jeanjean avec sa cuvée Devois des Agneaux, Skalli avec un vin de cépage Picpoul de Pinet, Val d’Orbieu (Bernard Devic) avec ses cuvées Mythique, Gérard Bertrand avec son Cotes du Roussillon Villages Tautavel (pas de lien car site en Flash -> grrr !). Ces gens là sont bien mieux armés pour négocier avec les centrales d’achat que le vigneron indépendant et ils ont une stratégie marketing très élaborée avec une multitude de produits segmentés pour chaque marché et chaque canal de distribution (les fameux 4 P product – price – place – promotion du marketing-mix).

La deuxième raison est culturelle.
Une volonté très forte existe dans notre région de se démarquer de l’image qui nous colle aux basques depuis longtemps, celle de vins lourds (le gros rouge embarqué en vrac dans les pinardiers à Sète ou à Port la Nouvelle) que l’on en oublie presque qu’il faut courtiser le client. On ne peut qu’encourager les initiatives prises par les collectivités locales pour faire la promotion de nos vins lors de l’été (il suffisait d’aller aux Estivales sur la place de la Comédie à Montpellier cet été) et du passage de milliers voire millions de touristes dans notre région. Mais quel est le résultat de telle manifestation à plus long terme si le normand, le chti ou le breton ne retrouve pas nos vins en bonne place dans les rayonnages de son supermarché ? Et puis il est vrai que j’ai entendu plusieurs fois les producteurs dirent qu’ils ne voulaient pas retrouver leur vin entre les couche-culottes et les paquets de riz et pâtes. Aujourd’hui, les hypermarchés ont des caves à vins qui pourraient faire pâlir d’envie n’importe quel caviste de quartier. Et certains producteurs commencent à assouplir leur position et laissent apparaitre leurs produits dans les enseignes dont les responsables savent respecter certains principes (le responsable de la cave du Leclerc Saint Aunès près de Montpellier est de ceux là et beaucoup de gens courent après les invitations distribuées au compte goutte pour la soirée de pré-vente avant l’installation officielle de la foire aux vins). Nos vignerons doivent ils toujours avoir peur de la grande distribution ? Nos vignerons et leurs instances représentatives dans la région ne peuvent ils pas entreprendre certaines actions de groupe auprès des centrales d’achat (une foire aux vins se prépare 18 mois à l’avance) pour infléchir cette tendance ?

J’aimerai simplement qu’un lorrain ou un vendéen puisse découvrir nos vins plus facilement et modestement, j’espère que Midi-Vin y contribue.

PS : je ne bois pas que du vin du Languedoc Roussillon et ne suis pas un « anti-bordeaux » primaire : pour preuve je vous conseille même d’aller acheter une (ou plusieurs) bouteille d’appellation Moulis en Médoc 2005 (Chateau Maucaillou ou Haut-Brion ou Chasse Spleen).
PS : J’espère ne froisser personne en parlant des cuvées connues du Languedoc et en ne citant que le Prieuré Saint Jean de Bébian ou Puech Haut mais faites le test : si vous avez des amis parisiens, demandez leur quel est le vin le plus connu du Languedoc Roussillon. Il y a beaucoup de chance pour qu’il vous cite un vin qui n’est pas de notre région ou vous cite le Listel qui est une des marques commerciales les plus connus dans le vin avec Vieux Papes.

Voici quelques liens à suivre pour en savoir plus :
Dans les coulisses des foires aux vins
La vision de Michel-Edouard Leclerc
Une vielle analyse (2003) des prospectus des foires aux vins (un bon sujet d’étude marketing pour des étudiants de mastère)
Les foires aux vins : un filon loin d’être à sec
Vieux Papes, Sidi Brahim et Baron Rotschild

Cette entrée a été publiée dans Editorial le par Caves Notre Dame.

One thought on “Le temps de la foire aux vins de Montpellier

  1. Clément Léguistin-Maire

    Plusieurs idées me viennent à l’esprit en lisant ce billet.

    Tout d’abord, si les Foires au Vins sont traditionnellement en septembre c’est pour la simple et bonne raison que les producteurs ont besoin de faire de la place avant la nouvelle récolte. Les foires au vin sont donc parfois le lieu où l’on brade les fins de lots et les mauvais millésimes.

    Si les vins de Bordeaux (et certainement pas les meilleurs) sont surreprésentés c’est aussi du fait que la viticulture française (et mondiale) est actuellement en difficulté. Or cette crise (qui touche aussi le Bordelais) conduit les producteurs à diminuer leurs prix de vente. On trouve ainsi des Bordeaux à des prix beaucoup plus faibles qu’avant, et pour le même prix les acheteurs de la grande distribution ont sélectionné sur le nom de l’appellation plutôt que sur la qualité du produit. Si ce n’était pas le cas on aurait une représentation des vignobles qui correspondrait bien plus aux volumes produits.

    Et puis c’est la question de l’éducation et des habitudes de consommation qui me vient à l’esprit. En effet les français sont dans l’ensemble – je crois qu’on peut le dire – des buveurs d’étiquettes. Ils seront impressionnés par une appellation prestigieuse (et Bordeaux semble en être une) alors même que le vin peut être mauvais, comme partout d’ailleurs.

    Enfin, dans ma vie de consommateur, j’ai souvent acheté du vin plus cher que ce qu’il valait mais jamais l’inverse ne s’est produit. Jamais lorsque j’ai acheté du vin au rabais (genre 6 bouteilles achetés, 6 bouteilles offertes) j’ai pu dire que j’avais fait une affaire. En termes de qualité bien entendu.

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