Depuis le 1 Août 2009 et l’application de la nouvelle Organisation Commune de Marché (OCM) au niveau européen, la filière viticole régionale s’apprête à rentrer de plein fouet dans le moule que lui dicte Bruxelles, souveraine de la régulation du marché du vin dans l’UE. Une mutation qui se traduit tout d’abord par la réforme des appellations d’origine, mais aussi, avec les nouvelles règles de production et d’étiquetage dictées par l’OCM. Ces nouvelles règles beaucoup plus libérales devraient favoriser l’orientation des entreprises productrices de vin vers un système d’appellation modifié en conséquence et proposé à la filière depuis 2008. Ce bouleversement, chacun doit y être préparé. Les consommateurs seront les seuls juges pour valider la cohérence de ces modifications, dont les principaux buts sont de lui simplifier l’approche au vin et de lui favoriser la compréhension des diverses appellations. Revenons ensemble sur ce dont traite cette OCM, en prenant comme exemple les futures appellations de la région dont la nouvelle appellation Languedoc autorisée depuis la vendange 2008 et dont certains d’entre vous sont déjà peut être coutumiers.
Etat des lieux :
On recense aujourd’hui en France plus de 470 Appellations d’Origine Contrôlée (AOC), composant les deux tiers du vignoble français. En Languedoc-Roussillon, les exemples sont nombreux : AOC Saint-Chinian, AOC Faugères, AOC Coteaux du Languedoc, AOC Côtes du Roussillon, AOC Limoux, AOC Collioure, AOC Costières de Nîmes,… Chaque AOC se repose sur son terroir qui lui est propre. Ce terroir regroupe un système géo-pédo-climatique unique (ensemble sol, relief, et climatologie) dont l’homme a su tirer profit en y implantant un matériel végétal (la vigne) conduit selon ses souhaits dans un but de production. L’élaboration de ces vins certifiés AOC est régulée par un décret propre à chaque appellation et les vins sont soumis à des dégustations d’agrément afin de vérifier si l’originalité de l’AOC considérée est respectée. Cette production qualitative s’oppose à la production de vins de table (VDT), dont les faibles coûts de production ne sont pas gages de qualité (en général bien sûr, de très bon vins de table existent !). Les vins de table n’ont pas l’autorisation d’adjoindre sur leurs étiquettes le millésime, le domaine où la production a eu lieu, le cépage. Ils sont soumis à une législation plus laxiste. Dans les années 1970, pour s’orienter vers davantage de qualité, une petite quantité de vins de tables a été reclassée afin de créer les vins de pays. En contrepartie d’efforts supplémentaires, les producteurs ont été autorisés à mentionner sur les étiquettes : le cépage, le millésime et l’origine. A l’époque, l’origine représentait une qualité dont tout le monde voulait bénéficier. Si bien qu’aujourd’hui, on ne dénombre pas moins de 152 appellations en vins de pays. Dans notre région les principaux exemples de d’appellations en vin de pays (VDP) sont : VDP d’Oc, VDP de l’Hérault, VDP du Gard, VDP de l’Aude ,…
La réaction de Bruxelles :
C’est peu dire que Bruxelles qui, depuis 1970, dispose à travers l’OCM de la compétence pour réguler le marché du vin, a vu d’un mauvais œil cet empilage complexe de réglementations et de dénominations. Une complexité que l’on retrouve sur les étiquettes des vins et qui nous est reprochée (notamment sur les marchés à l’exportation). A ceci, on peut ajouter la remarque suivante. La hiérarchisation des appellations a voulu que l’AOC constitue le sommet d’une pyramide où les prix de vente soient les plus élevés et les quantités produites les plus faibles. La base de la pyramide étant occupée par la catégorie des vins de tables, les moins chers et les plus nombreux en volume. Le tout étant tamponné par la catégorie des vins de pays. Or, cette classification n’a jamais tenu la route et des vins AOC se sont retrouvés à des prix moins élevés que des vins de pays et vis versa. Le consommateur n’ayant jamais trouvé de repaires stables, ce système fut remis en cause.
La réforme de l’OCM : une innovation sur trois registres :
Les dénominations : vins avec Indication Géographique (IG) et vins sans IG.
Exit l’ancien modèle pyramidal expliqué auparavant. Les AOC, vin de pays et vin de table vont disparaître ou, du moins, vont devoir choisir leur place dans ce nouveau système d’appellation. La nouvelle pyramide comporte les vins avec Indication Géographique (IG) et les vins sans IG. Les vins avec IG étant composés des vins en Appellation d’Origine Protégée (AOP) – dont les principales AOC devraient prendre le chemin – et les vins en Indication Géographique Protégée (IGP), dont la réglementation plus souple par rapport à l’AOP devrait attirer les vins de pays attachés à leur origine et les AOC à rayonnement régional.
Les producteurs de chaque AOP, par le biais de leur syndicat, devront créer un Organisme de Défense et de Gestion (ODG) qui sera chargé de la réécriture d’un cahier des charges de l’AOP. D’autre part, ils mettront en place un Organisme d’Inspection (OI), indépendant du précédent et chargé de veiller à l’application de ce cahier des charges. La production en AOP, en s’imposant plus de contraintes (comprenant l’ensemble du cycle de production allant de la culture de la vigne à la mise en bouteille, en passant par la vinification et l’élevage) et en acceptant de financer un processus de contrôle indépendant, renforce ainsi son caractère élitiste. Enfin pour pouvoir prétendre à mentionner sur l’étiquette une AOP, il faudra que le vin ait été vinifié et embouteillé sur l’aire d’AOP délimitée dans le cahier des charges. Le respect de la procédure d’élaboration décrite dans le cahier des charges suffira à valider le passage du lot de vin en AOP.
Les producteurs en IGP, toujours selon les mêmes principes, devront créer un cahier des charges – moins spécifique que celui des AOP – mais lui aussi contrôlé par un organisme indépendant. Ces IGP seront bien plus étendues que les AOP. Elles représenteront des appellations régionales beaucoup plus visibles par le consommateur. En Languedoc-Roussillon, la principale IGP sera l’appellation « Languedoc » dont les limites de production s’étendront sur toute la région, de Collioure jusqu’à Nîmes. Elle sera associée à l’IGP « Pays d’Oc » notamment (anciennement VDP d’Oc).
Chaque AOP ou IGP pourra rajouter des dégustations d’agrément, en supplément du cahier des charges, mais à leurs propres frais.
En ce qui concerne les vins sans Indication Géographique, c’est là que la réforme OCM influe le plus.
Les nouvelles règles de production : vers une libéralisation pour améliorer la compétitivité.
A travers la volonté de rendre les vins européens plus compétitifs à l’export, les techniques d’élaborations des vins de table (nouvellement appelés vins sans IG) ont été très clairement libéralisées. Il fallait trouver une solution permettant de produire ces vins avec des coûts de production les plus bas possibles tout en favorisant des rendements élevés. Ainsi, au niveau de la culture de la vigne, les pratiques industrielles seront favorisées avec l’autorisation de taille rase et d’irrigation afin de conserver des rendements élevés. Du point de vue des pratiques œnologiques, la vinification avec copeaux, la désalcoolisation partielle (limitée à 2% volume), le coupage avec un autre millésime ou un autre cépage (dans la limite de 15%), deviennent possibles. Autrement dit, ces pratiques sont bien moins contraignantes que celles requises pour faire du vin dans la catégorie des vins avec IG (AOP et IGP). Certains producteurs pourront s’en accommoder…
L’étiquetage des vins : une aubaine pour les vins sans IG.
Cette production de vins sans IG ne connaîtra pas de limite de rendement, pas de contraintes d’encépagement, ni de mode de production, au même titre que les désormais anciens vins de table. Cependant, les producteurs de vins sans IG seront dorénavant autorisés à adjoindre sur leurs étiquettes le millésime et surtout le cépage (Chardonnay, Sauvignon, Merlot, Cabernet-Sauvignon, Syrah,…) qui est un plus considérable pour de la vente d’un vin. Grace à l’allègement des contraintes de production, la libéralisation d’un modèle de production industrielle et les nouvelles libertés autorisées pour l’étiquetage, les producteurs de vins sans IG pourront proposer des vins de cépages à des prix très bas pour concurrencer les vins de cépages des pays étrangers. Mais qu’en sera-t’il de la qualité de ces vins ?
La région face au renouveau des appellations :
La production de vin du Languedoc-Roussillon devrait se ventiler selon trois voies principales. La première, les AOP (Faugères, Saint-Chinian, Pic Saint Loup, Corbières, Minervois, Grès de Montpellier, Terrasses du Larzac, Collioure, Maury,…) seront constituées par les anciennes AOC mais avec un cahier des charges renouvelé. La seconde, les IGP (IGP Languedoc et IGP Pays d’Oc) devraient rassembler la majeure partie des volumes et constituer le fer de lance des nouvelles appellations de la région. Avec une communication sur les vins d’origine pour l’IGP Languedoc et sur les vins de cépage pour l’IGP Pays d’Oc. Ces deux communications étant clairement complémentaires. Comme l’indique Philippe Coste, l’ancien président du CIVL (Conseil Interprofessionnel des Vins du Languedoc), remplacé il y a quelques semaines par Frédéric Jeanjean (groupe JEANJEAN), « nous avons intérêt à travailler ensemble (en parlant d’Inter Oc, le syndicat des vins en IGP Pays d’Oc), car cela nous permet de faire passer un message, la culture par les vins d’appellation et le goût par les vins de cépage. Voilà la force de notre région ». Pour lui, « il n’y aura point de salut sans attache territoriale forte avec le produit ». Il est rejoint dans son analyse par son ancienne collaboratrice et directrice marketing au sein du CIVL : « Le but de ce type de hiérarchisation est d’une part de souligner la diversité des vins d’appellation Languedoc et d’autre part d’inciter les consommateurs à découvrir l’offre de notre région et les spécificités de nos multiples terroir d’où naissent les AOP ». Enfin, Marc Badouin, directeur des Vins Skalli, résume bien la situation : « la réforme des IG est une chance historique de donner un statut et une visibilité au vignoble du Languedoc-Roussillon ». Une opportunité que certains ont déjà retenus puisque l’appellation IGP Languedoc a déjà pris place sur les étiquettes de vins issus du millésime 2008, en attendant une généralisation en 2009…
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