Alors que producteurs et consommateurs attendaient avec impatience que le projet de législation sur la vinification biologique européenne aboutisse, la Commission Européenne vient de jeter l’éponge !
N’ayant pas su fédérer les États membres sur les standards de la vinification biologique, le commissaire européen de l’agriculture et du développement durable a préféré retirer le projet de législation sur la vinification biologique européenne.
Après avoir expliqué les différences entre tous ces termes en « bio » (vinification bio, vin bio, agriculture bio), nous expliquerons pourquoi cette proposition de loi a capoté. Puis nous reviendrons sur l’importance et la nécessité de voir apparaître une législation claire et nette sur le vin bio.
Différences entre vin bio, vinification biologique, raisin biologique, agriculture biologique
Cet article n’a pas pour vocation de rentrer dans les détails de chaque définition. Sur le blog, il existe déjà un article complet à ce sujet (cf. : « Pourquoi le vin bio n’existe pas ? » – archive mai 2008).
Cependant, l’incompréhension est immense en ce qui concerne tous ces termes. Alors une petite piqûre de rappel ne fera de mal à personne !
Agriculture biologique :
Sous ce terme, on parle d’une agriculture certifiée biologique et qui répond aux exigences d’un cahier des charges. Le plus connu des organismes certificateurs en France est ECOCERT.
L’agriculteur peut convertir tout ou partie de son exploitation. Cette conversion dure 3 ans durant lesquels l’agriculteur a obligation de mettre en place les principes dictés par le cahier des charges, sans pouvoir promouvoir son action par ses outils de promotion (étiquettes, site web, plaquette, panneaux publicitaire, …). Tout au long de cette conversion et par la suite, l’agriculteur se verra contrôlé par son organisme certificateur afin de vérifier qu’il respecte bien le cahier des charges.
Cette démarche de certification à l’agriculture biologique ne concerne que la partie production (culture de la vigne) et non la partie transformation (vinification du jus raisin). D’où la notion : « vin issu de raisins provenant de l’agriculture biologique », qui ne signifie en aucun cas vin bio !
Vinification biologique :
C’est le prolongement de la démarche de culture des raisins en bio. En effet, les raisins sont cultivés en bio mais entre la récolte et la bouteille, il existe une étape cruciale : la vinification (transformation du jus de raisin en un vin propre à la consommation). Or, cette étape – bien qu’extrêmement réglementée en France – n’avait pas sa certification biologique disons officielle (reconnue au niveau européen).
Les instances européennes – devant l’intérêt commun des producteurs et consommateurs – avaient mandaté une commission pour mettre en place cette législation… le résultat vous le connaissez : il n’y a pas eu d’accord trouvé entre les différents pays producteurs de vin membres de l’UE (Allemagne, Autriche, Italie, Espagne, France, entre autre).
Vin biologique :
Cette définition est implicite : un vin bio est issu de raisins cultivés en agriculture biologique et dont l’élaboration s’est faite en suivant un cahier des charges de vinification biologique. On est bio de la culture de la vigne à l’embouteillage du vin.
Actuellement, la vinification biologique ne peut être certifiée que par un organisme privée et nationale.
Vous avez par exemple, le cahier des charges proposé par la FNIVAB (Fédération Nationale Interprofessionnelle des Vins de l’Agriculture Biologique) ou Nature & Progrès, disponibles sur leurs sites Internet. Donc les vins AB existent mais n’ont pas de visibilité au-delà de nos frontière et c’était bel et bien le but de cette commission : harmoniser la législation sur la vinification biologique et donc définir de manière unanime le vin bio. C’est raté !
Pourquoi un échec de la vinification biologique ?
Dans un communiqué de Dacian Ciolos – commissaire européen de l’agriculture et du développement durable – ce dernier nous explique : « De telles règles ne convenant pas à la majorité des États membres, les conditions n’étaient pas réunies. Je ne veux pas d’un compromis sur les standards du bio, ce serait envoyer un mauvais signal aux consommateurs attachés en la matière à une politique de qualité ».
Il met ainsi en avant l’incapacité des États membres à s’accorder sur ce qui défini la vinification bio (et notamment les doses limites de sulfites contenus dans les vins).
Tout était pourtant bien parti avec dès février le choix d’un logo européen unique certifiant que la vinification avait été faite selon le respect d’un cahier des charges européen prévu à cet effet. Mais ca a coincé par la suite et c’est bien dommage !
La législation de la vinification biologique est pourtant essentielle et évidente
Il va donc rester ce flou autour de la notion de vin bio ! Pourtant, il est évident que pour pouvoir parler de vin bio, il faut définir les concepts d’une vinification bio. Or, l’Europe n’y arrive pas ou du moins, les États membres ne partagent pas les mêmes limites…
Cependant, il reste un espoir. Le Copa – Cogeca (Comité des Organisations professionnelles Agricoles de l’UE qui compte 11 millions d’agriculteurs et 40 000 coopérateurs) a déploré la décision prise par la Commission Européenne de retirer ce projet de législation de la vinification biologique.
En effet, « les vins bio doivent se différencier des vins traditionnels de la vigne jusqu’à la mise en bouteille ». Voilà pourquoi Pekka Pesonen – secrétaire général du Copa Cogeca – encourage la Commission Européenne à envisager une nouvelle proposition le plus rapidement possible.
Faut-il y voir une lueur d’espoir ! On l’espère … car le vigneron – même si pour lui ces nouvelles règles devraient ne pas bouleverser ses habitudes – a besoin d’une certification car la parole ne suffit plus aujourd’hui.
Les vignerons en bio se faisaient une joie de pouvoir appliquer une vinification bio dont les concepts auraient été reconnus dans toute l’Union Européenne (concepts que certains respectent déjà largement d’ailleurs). Or au contraire, ils vont devoir passer les prochains mois à expliquer la différence entre vin bio, raisin bio et vinification bio, à leurs clients auxquels il était donné une chance d’y voir plus clair … Quand on dit que le problème de la filière est un problème de communication, en voici un nouvel exemple !
Les amoureux des vins dont les raisins ont été cultivés en AB – et dont la vinification ne peut toujours pas avoir cette reconnaissance au niveau européen – pourront toujours se consoler en dégustant les superbes vins de nos producteurs de raisins issus de l’agriculture biologique :
- Les excellents Saint Chinian du domaine Canet-Valette et du domaine de l’Ancienne Mercerie.
- Les très expressifs vins de Pierre Clavel.
- Les vins fins et remplis d’arômes du Roussillon de Jean-Philippe Padié et Olivier Pithon.
- Les somptueux Corbières du Domaine des 2 Anes.
- Les délicieux vins frais et rafraichissants du Mas d’Espanet dans le Gard.
- Les mystérieux vins du Domaine d’Aupilhac à Montpeyroux.
- Les vins touchants d’Alain Chabanon.
- Les très bons Pic Saint Loup du Château de Cazeneuve.
- Les vins d’altitude du domaine des Hautes Terres près de Limoux.