Le feuilleton de ce début d’année 2009 sur le vin rosé touche à sa fin. Ce véritable bazar médiatique relayé à toutes les sauces par la presse n’a fait qu’embrouiller un peu plus le pauvre consommateur. La polémique qu’a agrémentée le rosé a su, une fois de plus, révéler le problème majeur de communication de la filière vin. Aujourd’hui, sur le nombre important de personnes touchées par cette polémique, peu d’entre elles sont capables de ressortir l’information principale. Alors, où en est-on ? Le rosé de coupage : autorisé ou non ? Revenons ensemble sur cette drôle d’histoire qui a vu politiques, consommateurs et pays européens s’unir afin de soutenir les producteurs contre le coupage.
Les nouvelles règles européennes sur les pratiques œnologiques en question.
A la fin de l’année 2008, la viticulture et l’œnologie européenne sont en pleine mutation. Mariann Fisher Boel, commissaire européenne à l’agriculture, annonce les nouvelles règles du jeu en termes d’œnologie. Ces communes mesures concerneront tous les pays de l’UE producteurs de vins (Allemagne, Espagne, France, Italie, Grèce,…). Elles seront présentées en début d’année aux responsables de chaque pays et, si accord il y a, seront rendues effectives à partir du 1 Août 2009. Parmi ces nouvelles mesures, l’autorisation d’élaboration de vin de table rosé par coupage de vins de table blanc et rouge. Une permission qui permettrait de libéraliser un peu l’élaboration des vins de table rosé afin que la production européenne puisse rivaliser au niveau du prix (comprenez le coût de production) qu’affichent les vins des nouveaux pays producteurs (Chili, Uruguay, Argentine, Brésil, Mexique, USA, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Chine, Inde,…). Plus libérales, leurs vinifications autorisent déjà l’assemblage de vin rouge et de vin blanc pour faire du rosé à un tarif défiant n’importe quel vin rosé européen. Ainsi, Mariann Fisher Boel lorsqu’elle propose d’autoriser ce coupage souhaite bien agir dans un souci de compétitivité des vins de table rosés européens vis-à-vis de ceux des pays nouveaux producteurs.
Un malentendu source de la polémique…
Le premier problème, vint du fait que cette proposition fut insérée au milieu de dizaine d’autres et présentée à un groupe de spécialistes de chaque pays membre qui ne relevèrent pas l’information. Résultat : le texte passa ! Le deuxième, plus délicat à expliquer, concerna l’autorisation même de coupage qui fut accordée uniquement aux vins sans Indication Géographique (les vins de table). C’est-à-dire que le rosé de coupage n’aurait jamais été autorisé pour les vins d’appellation. Ainsi, les rosés en appellation d’origine contrôlée type Saint-Chinian, Coteaux du Languedoc, Corbières, Minervois, Côtes du Roussillon, ou encore les rosés de Provence, n’étaient pas concernés par cette autorisation. Le but avoué était de récupérer les excédents classés en vin de table rouge pour les couper avec du vin de table blanc et créer du vin de table rosé dont le marché est plus prospère que celui du vin de table rouge. Or, pourtant non concernées par cette nouvelle méthode d’élaboration, de nombreuses inter-professions se sont opposées à ce texte. Peut être ont-ils eu peur de voir débarquer en grande quantité des vins de table rosés de coupage sur les linéaires de grande surface à des prix plus bas donc plus attractifs. De plus, à partir du 1 Août 2009, consécutivement à l’adoption de la réforme des appellations, la famille des vins de table disparaît aux profits des vins sans Indication Géographique qui, contrairement aux vins de tables, ont la possibilité d’adjoindre sur l’étiquette le millésime et le cépage. En résumé, il n’était pas question pour ces inter-professions de voir ces produits de coupage – qui en portant le même millésime et le même cépage qu’eux tout en étant moins cher auraient troublé le consommateur en le poussant vers un produit de moindre qualité – venir concurrencer des vins dont le savoir faire fait parti intégrante du terroir. Quoi qu’il en soit, l’image des vins rosés de qualité, se basant sur des techniques reconnues : vinification en rosé de presse ou de saignée (cf article midi-vin Vin rosé : la polémique) ; prenait du plomb dans l’aile avec l’arrivée des rosés de coupage. Comment le coupage, longtemps considéré comme une fraude, aurait-il pu séduire les consommateurs ? Sur un sondage réalisé par l’IFOP (Institut Français d’Opinion Publique et d’études de marché) et relayé dans les tribunes des journaux « Midi Libre » et « Sud Ouest », sur 1010 personnes sondées, 87 % étaient opposés aux rosés de coupage et ne se disaient pas prêt à en acheter et cela même si le prix était moins élevé. Un mécontentement général dont les politiques semblaient avoir compris l’enjeu puisqu’ils s’associaient aux producteurs et consommateurs contre le coupage.
Première solution : des mentions sur les étiquettes comme compromis !
En premier lieu, Mariann Fischer Boel est surprise et à juste titre puisque cette proposition avait été acceptée par les groupes de spécialistes de chaque pays concernés quelques mois auparavant. Considérant ce problème comme étant Franco-français, elle refuse la réouverture du paquet sur les pratiques œnologiques. La commission européenne propose alors un compromis : l’adjonction sur une étiquette – déjà bien difficile à lire – des mentions : « rosé traditionnel » ou « rosé de coupage » à la convenance de chaque état membre. Malgré cette proposition, le ministre français de l’Agriculture Michel Barnier maintient son opposition à l’autorisation de produire des vins de table rosés par coupage de vins de table rouge et blanc. La France est soutenue dans son opposition par l’Italie, l’Espagne notamment qui produisent avec la France 90 % des vins rosés européens. L’affaire prend du poids.
Deuxième solution : maintenir l’interdiction et demander à Bruxelles de rouvrir les discussions sur ce point.
Suite à l’opposition grandissante des politiques, producteurs et consommateurs, pour une fois tirant dans le même sens, Mariann Fischer Boel renonce à son projet le 8 juin 2009 dès le lendemain des élections européennes. « Il est important d’être à l’écoute de nos producteurs » lance-t’elle mettant fin par la même occasion à de longs mois de lutte où les dirigeants des pays européens, les ministres, députés, sénateurs et consommateurs, se sont unis pour soutenir le travail des vignerons. L’art de la vinification en rosé est sauf.
Le vin rosé de coupage finalement interdit !
Maintenant que vous savez tout, libérez-vous de vos craintes ! Les vins rosés n’ont jamais été aussi bons et certains maîtres vignerons vous transmettront tout le plaisir qu’ils ont eu à produire ces vins. Pour mon argumentation, je vous laisse découvrir notre sélection régionale de vins rosés à votre disposition. Bonne dégustation !
Le vin rosé en quelques chiffres.
La France est le premier producteur mondial de vin rosé. Avec 6,3 millions d’hectolitres produits en 2007, elle assure 33 % de la production mondiale. En deuxième et troisième position arrivent l’Italie (21 %) et l’Espagne (18 %). Avec les régions PACA et Centre Loire, le Languedoc-Roussillon fait partie des trois principales régions productrices de vin rosé en France. Une seule appellation française autorise le mélange de vin rouge et de vin blanc pour élaborer du vin rosé. Il s’agit de l’appellation Champagne rosé. Cependant, les vignerons et fils de vignerons champenois, avec qui j’ai discuté, m’ont affirmé que très peu de vignerons faisaient du Champagnes rosés par coupage, même s’ils en avaient le droit. Cette technique étant plutôt associée aux Champagnes rosé de négociant.