Les vendanges 2008 prennent fin et peu à peu l’activité se centre au niveau des caves, cuviers et autres chais de vinification. Tout se passe maintenant dans l’intimité des cuves, foudres, muids et autres barriques, sous l’œil attentif des vinificateurs.
Le millésime 2008 sera marqué par une faible récolte en volume et ce dans toutes les régions viticoles françaises (en moyenne de 10 à 30% en moins selon les situations). En cause, une floraison difficile, des accidents climatiques (gel, grêle) et une forte pression des maladies.
Pour le Languedoc-Roussillon la qualité des raisins récoltés a été assez bonne. Un bon état sanitaire était au rendez-vous dans la plupart des cas. Sur certaines parcelles tardives les raisins sont encore sur pieds et cela semble encore « se tenir ».
Même s’il est encore un peu tôt pour en juger nous avons dans l’ensemble un bon millésime qui n’arrive certes pas à la hauteur de 2007 mais qui nous promet des vins francs et probablement d’une belle garde.
Ces résultats plutôt positifs par rapport à l’ensemble du vignoble français ne doivent pas nous faire oublier que quelque chose de grave est en train de se produire (ou se poursuivre) dans le plus grand vignoble de France.
En effet le vignoble du Midi est actuellement menacé par la campagne d’arrachage subventionnée qui continue à avoir lieu dans tous les vignobles d’Europe, principalement dans ceux où la crise viticole est la plus ancrée.
Le principe: pour palier à la crise viticole, une enveloppe globale à se partager sur trois ans entre tous les vignobles d’Europe qui en font la demande a été votée sous l’égide de l’Organisation Commune du Marché (OCM Vin).
L’idée est assez simple: en subventionnant l’arrachage des vignes non rentables, on diminue les volumes produits ce qui permet l’assainissement du marché et la remonté des cours selon le mécanisme de l’offre et de la demande.
La situation de certains viticulteurs étant actuellement si problématique – car ils perdent de l’argent pour produire leurs raisins – que l’affaire est tentante et que le nombre de demande va visiblement dépasser les possibilités offertes.
Et ainsi, pour la France, le Languedoc-Roussillon représente 65% des surfaces demandées pour l’arrachage soit plus de 14 000 hectares (la moyenne d’une exploitation viticole en France se situe autour de 8 hectares). Le vignoble Languedocien ayant déjà perdu la moitié de ses surfaces dans les 20 dernières années.
Au premier abord on peut penser que cette situation est positive. En effet, ce système – basé, il faut le rappeler, sur le volontariat – va permettre une meilleure compétitivité des vignobles en éliminant les vignes les moins qualitatives, qui n’auraient d’ailleurs jamais du être plantées ou qui avaient lieu d’être seulement alors que le Midi était en plein dans la production de masse d’après guerre.
Ce ne sera pas forcément le cas car les vignes les moins rentables -puisque la rémunération se fait principalement en fonction du rendement par hectare – sont celles qui sont les plus anciennes, les moins productives, celles qui sont sur les coteaux les plus escarpés ou encore celles qui sont non issues de sélection clonale – possédant donc une diversité génétique probablement utile pour l’avenir. En un mot, les vignes arrachées seront parfois les meilleures!
C’est, de plus, toujours un échec d’arracher des vignes encore en état de produire et c’est à coup sur une grande tristesse pour le vigneron concerné. On peut ainsi lire dans le journal La Croix du 13 septembre 2008 le témoignage de cette viticultrice du Minervois: « C’est un crève-cœur. Cela me fait bizarre de recevoir de l’argent pour casser mon outil de travail. Dans les années 1990, on a reçu des primes pour tout replanter. On a arrêté la production de Carignan, le fameux “gros rouge”, pour un vin de qualité et des cépages nobles… qu’on doit aujourd’hui arracher ! »
Au niveau économique ce sont des économies d’échelles en moins pour les viticulteurs et les groupements de vinificateurs (Caves Coopératives) et donc une diminution accrue de la rentabilité de l’activité. De même, le vignoble du Midi possède actuellement une surface lui permettant de répondre à la demande d’importants marchés. Si demain ce n’est plus le cas, alors que la consommation mondiale est en hausse (augmentation dans les pays nouveaux consommateurs), nous ne pourrons plus répondre à cette demande et ces marchés seront pris par d’autres pays qui eux auront les surfaces suffisantes.
On peut aussi noter que le vignoble Languedocien correspond à deux types de production. Si la première, qui n’est pas (ou moins) menacée et qui est également la plus récente dans la région correspond à une production à haute valeur ajoutée, la seconde, moins qualitative certes – bien qu’elle ait su dernièrement s’adapter – correspond à la demande de ces pays nouveaux consommateurs, notamment avec la Chine déjà prévue comme plus gros consommateur de vin d’ici quelques années. Pourquoi alors ne pas utiliser ces fonds pour conquérir ces marchés en pleine expansion?
Au niveau local que dire du devenir du paysage une fois que ces milliers d’hectares seront redevenus friches et garrigues ? Et que dire de l’emploi ?
Alors s’il est vrai qu’il faudrait éliminer les vignes les moins qualitatives, il faut aussi tenir compte de l’effort fait ces dernières années dans le sens de la qualité. Le vignoble du Midi a bien effectué sa mutation mais c’est malheureusement dans l’esprit des consommateurs que l’évolution n’est pas suivie…
C’est sans doute dans un sens pour répondre à cette image de « gros rouge » et pour faire bouger les esprits les plus récalcitrants que la cave coopérative de Gignac a élaboré une cuvée arborant le fameux diptère et nommée – avec ironie – « Vin de Merde – Le Vin des Philosophes ».
Et bien vous me croirez ou pas mais les 5 000 bouteilles produites – commercialisées à 7 euros – sont déjà épuisées et la production devrait se poursuivre.
Riez, ce n’est pas drôle…
ce n’est certainement pas le vin qui est merdique, mais bien l’esprit qui a pensé.
Je trouve qu’on en fait trop et que c’est de la pub négative pour les vignerons
Voici un article de La Dépêche qui corrobore que le millésime 2008 ne devrait pas être si mal en Languedoc Roussillon.
http://www.ladepeche.fr/article/2008/10/14/481710-2008-millesime-faible-en-quantite-mais-reussi-en-Languedoc-Roussillon.html
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